Dans un arrêt rendu le 5 juin 2019, la Cour de cassation a confirmé le transfert du nom de domaine « saône-et-loire.fr » au département du même nom.

 

Ce litige de longue haleine impliquait le département de Saône-et-Loire et la société Dataxy.

 

La société Dataxy est une ‘web-agency’, spécialisée notamment dans l’hébergement informatique et la création, commercialisation / localisation et exploitation de sites web. Elle précise également être un bureau d’enregistrement accrédité par l’Afnic.

 

La société Dataxy a enregistré les noms de domaine « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr » le 7 juin 2004.

Elle a procédé à tous les renouvellements de ces noms de domaine, et ce jusqu’au 7 juin 2012.

 

Bénéficiant de la réservation prioritaire accordée aux titulaires d’un nom de domaine sans accent, la société Dataxy a pu enregistrer le 22 juin 2012 la version accentuée du nom de domaine, à savoir « saône-et-loire.fr ».

 

Entre-temps, le 19 août 2011, la collectivité territoriale de Saône-et-Loire a procédé au dépôt de la marque semi-figurative « saône-et-loire le département » pour désigner des services correspondant en classes 35, 38, 39 et 41 (location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; etc.)

 

Le 18 juillet 2012, le département de Saône-et-Loire a adressé à la société Dataxy une demande de transfert des noms de domaine « saoneetloire.fr », « saone-et-loire.fr » et « saône-et-loire.fr », en se prévalant de ses droits liés à son dépôt de marque du 19 août 2011 et arguant le défaut d’intérêt légitime de la société Dataxy à détenir des noms de domaine identiques à celui de la collectivité territoriale.

 

Suite au refus de la société Dataxy, le département a déposé le 31 août 2012 trois requêtes, dites Syreli, afin de se voir transférer les trois noms de domaines susmentionnés.

 

Le collège désigné par l’Afnic a refusé le transfert des noms de domaine « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr » mais a accueilli la demande relative au transfert du nom de domaine « saône-et-loire.fr ».

 

La société Dataxy a réagi en assignant le département de Saône-et-Loire devant le Tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement de l’article L.45-2.2° du code des postes et communications électroniques.

 

Cet article permet d’obtenir la suppression d’un nom de domaine enregistré,notamment si celui-ci est « susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi. »

 

Ainsi, en vue d’établir sa bonne foi et son intérêt légitime à renouveler ces noms de domaine, la société Dataxy a tenté de démontrer une offre de services en lien avec le territoire couvert par la collectivité.

 

Cependant, le Tribunal a estimé que les pièces fournies, à savoir notamment le site internet correspondant au nom de domaine litigieux, ainsi que de multiples contrats avec des sociétés diverses, n’étaient pas de nature à établir la fourniture de services en lien ou d’un rapport avec le territoire de la Saône-et-Loire.

 

Aussi, pour démontrer une absence d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, la société Dataxy soutenait que le nom ‘Saône-et-Loire’ était faiblement distinctif, peu évocateur ou enthousiasmant, et si peu connu à l’étranger que le président du conseil général aurait proposé en 2003 de renommer le département Bourgogne du Sud.

 

Le Tribunal ne fut pas davantage convaincu par cet argument, et a estimé que le signe « saône-et-loire le département » était distinctif en ce qu’il distinguait ce département d’une autre collectivité territoriale. En outre, il a considéré que du fait de la similarité des services visés par la marque déposée et de ceux proposés par la société Dataxy, il existait un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé en laissant croire à une origine commune de ces services.

 

Partant, le Tribunal a confirmé la décision du collège désigné par l’Afnic.

 

Les multiples recours exercés par la suite par la société Dataxy furent tous rejetés, la Cour d’appel de Versailles et la chambre commerciale de la Cour de cassation confirmant la décision initiale prise par le collège désigné par l’Afnic.

 

Aussi, la Cour de cassation a habilement souligné le risque de confusion du fait de la similarité des signes en conjonction avec les services proposés, ainsi que le manque d’intérêt légitime ou de bonne foi de la société Dataxy.

 

La solution de cet arrêt se situe dans le courant actuel de la jurisprudence en matière de protection contre le cybersquatting.

 

Elle est toutefois enrichissante, en ce qu’elle montre une conciliation des règles relatives à l’enregistrement et au renouvellement de noms de domaine avec les règles relatives à la protection des marques.