La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt en date du 4 juillet 2019 qui, sans être révolutionnaire, rappelle le formalisme strict attaché à la cession de droits d’auteur. Dans l’affaire d’espèce, les juges viennent ainsi considérer, à propos de la mise en ligne de photographies d’archives papier du journal « Le Figaro », qu’une telle mise en ligne constitue une contrefaçon si cette nouvelle forme d’usage n’a pas été prévue dans les contrats de cession de droits d’auteur avec les photographes.

Sur une période allant de 1992 à 2008, la Société du Figaro (éditrice en particulier du journal « Le Figaro », du magazine « Madame Figaro » et du « Figaros Copé » a intégré dans la version papier de ces journaux/magazines des centaines de photographies qui illustraient ses articles.

En juin 2010, la Société du Figaro a décidé de mettre en ligne sur son site Internet www.lefigaro.fr, dans une rubrique « archives », en accès payant, la totalité des archives papier du quotidien et des magazines, incluant ainsi les publications comprenant les articles illustrés de photographies.

Parmi ces archives, se trouvaient 479 photographies d’un premier photographe, et 606 d’un second photographe.

Considérant que les droits d’auteur qu’ils avaient cédé à l’époque sur leurs photographies n’incluaient pas ce type d’usage, les deux photographes ont assigné la Société Le Figaro en contrefaçon de droit d’auteur pour atteinte à leurs droit patrimoniaux (du fait de l’absence de cession de leurs droits pour la reproduction et la représentation sur le site internet du Figaro) et atteinte à leurs droits moraux (en particulier, leur droit à la paternité du fait qu’il était loisible aux internautes de télécharger leurs œuvres, sans mention de leur nom).

Notons à ce titre que la cession des droits d’auteur sur les photographies visait presque exclusivement la version papier des journaux comprenant les photographies, à l’exception d’une autorisation « fac-similé PDF » temporaire. De ce fait, les cessions ne prévoyaient pas expressément la reproduction numérisée des journaux, ni leur mise à disposition en ligne.

Les juges de la Cour d’appel de Paris avaient rejeté leurs demandes tant sur le volet de l’atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur, que l’atteinte à leurs droits moraux.

Sur le volet de l’atteinte aux droits patrimoniaux, les juges d’appel ont jugé que cette nouvelle forme d’exploitation des photographies par leur mise en ligne et par l’archivage des journaux sous format PDF s’inscrivait dans la continuité de l’œuvre d’origine. Par conséquent, bien que cet usage des photographies n’ait pas été prévu lors de la cession des droits, il a été jugé comme constituant un usage contractuellement prévu.

Concernant l’atteinte alléguée au droit à la paternité, les juges d’appel ont également considéré qu’il ne pouvait être reproché à la Société Le Figaro la possibilité d’extraire des photographies dans la mesure où les internautes ne font qu’user des fonctionnalités offertes par tout ordinateur ;

Les photographes ont formé un pourvoi en cassation.

La décision est cassée sur les deux points.

Concernant l’atteinte aux droits patrimoniaux, la Cour Suprême considère tout d’abord, au visa des articles L. 111-1, L. 122-1 et L. 131-6 du code de la propriété intellectuelle, que c’est à tort que les juges d’appel ont considéré que la cession consentie s’étendait à cet usage.

La décision est logique, l’article L.131-6 stipule clairement que « La clause d’une cession qui tend à conférer le droit d’exploiter l’œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation ».

Tel n’était pas le cas en l’espèce.

L’arrêt de la Cour d’appel a également été cassé sur le volet de l’atteinte au droit moral, les juges de cassation estimant qu’il revenait à la Cour d’appel de rechercher si Le Figaro aurait pu mettre les photographies en ligne tout en empêchant leur téléchargement.

En effet, rappelons qu’il était possible pour les lecteurs de télécharger les photos de manière séparée des articles.

Cette décision rappelle le formalisme strict de la cession des droits d’auteur et la nécessité de se faire accompagner pour la rédaction de ce type de contrats afin de se prémunir de tout risque d’une action ultérieure pour contrefaçon.