Dans un arrêt en date du 25 juillet 2018 concernant l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’une marque de l’UE, la CJUE confirme la décision du TUE en considérant que les preuves apportées aux débats permettant de prouver l’acquisition du caractère distinctif doivent couvrir l’ensemble des Etats membres sans pour autant qu’il soit nécessaire de rapporter lesdites preuves pour chaque Etat pris individuellement.

Bref résumé « historique » relatif à la présente affaire pour tenter d’y voir un peu plus clair.

 

En mars 2002 la société Nestlé a déposé, auprès de l’EUIPO, la marque tridimensionnelle suivante :

 

kit kat

 

 

correspondant à la forme du Kit Kat pour des produits en classe 30 et, en particulier pour des « chocolats, produits, chocolatés, bonbons, produits de boulangerie, articles de pâtisserie, biscuits, gâteaux, gaufres ».

 

La marque a été refusée à l’enregistrement pour les produits « chocolats, produits chocolatés, confiserie » mais a été enregistrée pour les « bonbons ; produits de boulangerie, articles de pâtisserie, biscuits ; gâteaux, gaufres ».

 

Considérant que ce signe était dépourvu de caractère distinctif, la société Mondelez a introduit une action en nullité en 2007 auprès de l’EUIPO sur les fondements de l’article 7 (1) (b) (signe dépourvu du caractère distinctif), (c) (signes descriptif), (d) (signes usuels) et (e) (ii) (signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique) du règlement CE n°207/2009.
La division d’annulation a annulé ladite marque tridimensionnelle pour défaut de caractère distinctif sur le fondement de l’article 7 (1) (b) du règlement CE n°207/2009 (tout en rejetant l’allégation de fonctionnalité).

 

Un recours a été formé.

 

Sur la base de sondages d’opinion établissant une association spontanée du signe « nu » avec le nom du produit Kit Kat allant de 30% (Finlande) à 88% (Royaume-Uni), la chambre de recours a considéré que le signe contesté avait acquis un caractère distinctif par l’usage au plus tard avant la date d’introduction de la demande en nullité (article 52 (2) du Règlement CE n°207/2009).
Dans un arrêt du 15 décembre 2016, le TUE a annulé cette décision.

 

Concernant la portée territoriale de la preuve, le Tribunal a exigé que la preuve du caractère distinctif de la marque soit rapportée dans chacun des Etats Membres tout en réservant la possibilité « qu’elle soit apportée de façon globale pour tous les Etats membres ou groupes d’Etats membres ».

 

L’arrêt du Tribunal laissait toutefois un peu perplexe.

 

Un pourvoi a été formé devant la CJUE.

 

Dans son jugement, la Cour a rappelé une nouvelle fois qu’une marque de l’Union européenne « a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union ».

 

S’agissant de l’acquisition par une marque d’un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait, la Cour rappelle qu’un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union Européenne, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, que si la preuve est rapportée qu’il a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie de l’Union dans laquelle il n’avait pas ab initio un tel caractère, au sens du paragraphe 1, sous b)

 

La Cour a également précisé que la partie de l’Union visée au paragraphe 2 dudit article peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre.

 

Ainsi, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des États membres, la Cour rappelle qu’une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de cette disposition que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (sur ce point, arrêt de la CJUE du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P).

 

La Cour considère cependant que les preuves de l’acquisition du caractère distinctif du signe par l’usage n’ont pas à être apportées dans chaque Etat membre pris individuellement et distinctement.

En effet, pour la Cour, il est tout à fait possible que les preuves produites aux débats concernent plusieurs territoires, qui, pour une raison économique par exemple, seraient considérés comme ne constituant qu’un seul marché. Elle rappelle que le règlement CE n° 207/2009 n’impose pas d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement.

Ainsi, les preuves d’usages peuvent être rapportée de manière globale pour plusieurs Etats membres, pour autant qu’elle démontre que la marque a acquis un caractère distinctif par l’usage pour l’ensemble de l’Union Européenne. 

Une distinction est ainsi opérée entre la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage et les moyens mis en œuvre pour rapporter ladite preuve.

En l’espèce, la Cour reconnait qu’il a bel et bien été établi que la marque litigieuse a acquis un caractère distinctif par l’usage dans dix pays (Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Autriche, Finlande, Suède et Royaume-Uni). Néanmoins elle considère que ce n’est pas le cas pour quatre autres pays (Belgique, Irlande, Grèce et Portugal). Ainsi, elle confirme l’arrêt du TUE et rejette le pourvoi.

 

Cette clarification de la Cour est bienvenue et en phase avec les réalités économiques dès lors qu’une interprétation de l’arrêt du TUE pouvait laisser penser que les preuves d’usages produites devaient concerner chaque Etat membre pris individuellement.