#SaveYourInternet, qui n’a pas vu ce hashtag en naviguant sur le Web depuis quelques mois ? La raison est l’adoption de deux dispositions de la nouvelle directive relative à la protection du droit d’auteur dans le marché unique numérique : celle concernant les éditeurs de presse et celle sur la responsabilité des plateformes en ligne.

  • Article 15 : les éditeurs de presse

Le premier sujet qui a suscité l’émoi est celui de l’article 15 (ancien article 11). Celui-ci prévoit de donner plus de poids aux éditeurs de presse dans l’utilisation de leurs contenus en ligne.

L’idée est d’obliger les internautes ou services qui veulent ajouter un lien vers un article de presse, pour indiquer leur source, de demander l’autorisation aux éditeurs ou obtenir une licence au média. En effet, désormais, les plateformes en ligne, comme Google News, devront rémunérer les éditeurs de presse dont elles utilisent le contenu car, jusqu’alors, elles n’offraient aucune compensation aux auteurs.

Ce droit aura une durée de 2 ans suivant la publication de l’article de presse. Des exceptions à ce texte sont prévus notamment pour les encyclopédies en ligne (Wikipédia).

  • Article 17 : la responsabilité des plateformes d’hébergement en ligne

L’article 17 (ancien article 13) concerne plus spécifiquement les plateformes d’hébergement en ligne. Jusqu’à ce jour, ces acteurs cherchaient la qualification d’hébergeur énoncée dans la directive e-commerce 2001/29/CE. L’idée de cette directive était de développer le marché du numérique tout en limitant les obstacles juridiques. En effet, dès lors qu’un utilisateur de l’hébergeur publiait des œuvres protégées par le droit d’auteur sans en avoir l’autorisation, la plateforme n’était pas responsable et devait attendre la notification par un internaute pour enlever ce contenu. Ce n’était que lorsqu’elle ne retirait par le contenu promptement que la responsabilité à l’égard de la plateforme pouvait être invoquée.

La nouvelle directive cherche à écarter le statut d’hébergeur aux plateformes en ligne en les incitant à trouver des accords avec les titulaires de droit pour couvrir les actes de leurs utilisateurs. Cependant, en cas de non accord/autorisation, les plateformes devront déployer leurs « meilleurs efforts » pour éviter que le contenu protégé ne se retrouve sur leur site comme par exemple en utilisant le filtrage automatique.

Les plateformes en ligne et internautes ont alors souligné le fait que ce filtrage « censurerait » des parodies, des mêmes ou des courtes citations d’œuvres alors même qu’elles sont des exceptions légales au droit d’auteur. La crainte est que le filtrage ne fasse pas de distinction entre une contrefaçon et une exception autorisée. Mais la directive n’empêche pas ces exceptions et prévoit même un mécanisme de réclamation pour les internautes dont les publications auraient été retirées de façon injustifiée.

Il faut aussi ajouter que c’est un régime mixte dont le but est d’encourager les start-ups européennes. A titre d’exemple, les filtres ne seront pas obligatoires pour les petites structures c’est-à-dire celles qui existent depuis moins de trois ans, qui ne reçoivent pas la visite de plus de 5 millions d’internautes mensuels ou dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 10 millions d’euros.

Les textes ont été adoptés le 26 mars 2019 malgré les mobilisations des internautes et la campagne de lobbying par Google. La directive devra être transposée par les Etats membres dans les 2 années suivant l’approbation de la décision du Parlement par le Conseil de l’UE du 9 avril. Le droit voisin pour les éditeurs de presse devrait être débattu à l’Assemblée nationale courant mai.

 

Ce qu’il faut retenir de la directive :

  • La création d’un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse qui leur permet de recevoir une rémunération pour l’utilisation de leurs contenus par les plateformes en ligne
  • Une responsabilité accrue des plateformes d’hébergeurs en ligne qui devront désormais rémunérer les auteurs en trouvant des accords et, dans le cas contraire, déployer leurs meilleurs efforts pour éviter la publication de contenus protégés par le droit d’auteur
  • L’adoption d’un régime mixte favorable aux start-ups européennes