Dans un jugement du 11 avril 2018, le Tribunal de commerce de Versailles condamne un éditeur de logiciel sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme, pour s’être inspiré de manière fautive des fonctionnalités et de l’ergonomie d’un logiciel concurrent. Cette condamnation se fonde notamment sur le fait que l’éditeur a accédé à la version bêta test du logiciel copié et qu’il n’a pas donné d’informations pertinentes sur les conditions de son choix.

La jurisprudence a consacré de longue date la possibilité d’invoquer la concurrence déloyale et le parasitisme plutôt que le droit d’auteur en présence d’une inspiration fautive en matière de logiciel. Ce principe est repris de façon très souple par le Tribunal de Commerce de Versailles dans une décision du 11 avril 2018.

Dans cette affaire, la société 3Dvia, devenue Dassault Systèmes, avait développé durant 7 ans et mis à disposition du public en mars 2014 un logiciel d’aménagement intérieur en 3D, « HomeByMe ».

En octobre 2013 la société Wanadev a rendu public un logiciel de même nature nommé « Wanaplan », après avoir eu accès, à la version bêta test du logiciel HomeByMe en 2012.

La société Dassault Systèmes reproche à la société Wanadev d’avoir reproduit les fonctionnalités graphiques et l’ergonomie de son logiciel. Elle considère qu’en se fondant sur la version bêta test du logiciel HomeByMe, la société Wanadev a pu développer un logiciel similaire en un temps très court et à moindre frais.

Ce faisant, la société Wanadev a été en mesure de contracter avec Adeo, un groupe de distribution en matière de bricolage, avant la société Dassault Systèmes qui était pourtant en phase de négociation avec cet acteur économique clef en vue de la distribution de son logiciel.

La société Dassault Systèmes a intenté une action en concurrence déloyale et en parasitisme à l’encontre de la société Wanadev devant le Tribunal de commerce de Versailles.

Dans une décision du 11 avril 2018, les juges du fond rappellent tout d’abord que « le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».

Ils relèvent ensuite, que les logiciels HomeByMe et Wanaplan présentent de nombreuses similitudes, notamment une interface articulée autour de 3 étapes de conception dont le pivot de rotation est un avatar représentant un personnage féminin, un même masquage des murs, un modèle d’éclairage original identique et l’utilisation d’une grille en arrière-plan du dessin 3D.

Partant, le Tribunal de Commerce de Versailles a considéré qu’en accédant à la version bêta test du logiciel HomeByMe, « Wanadev a pu développer son logiciel dans un court délai en s’inspirant du design et des fonctionnalités élaborés par Dassault Systèmes ».

Dans la mesure où ces fonctionnalités ont été décrites comme étant particulièrement appréciées par Adeo, les juges en ont déduit « qu’à défaut d’informations pertinentes sur les conditions de ce choix, il apparaît que Wanadev en proposant précocement à ADEO un logiciel présentant des similitudes avec celui développé par Dassault Systèmes a bénéficié d’un avantage concurrentiel dans ses relations avec ADEO ».

Le droit de la société Wanadev de concurrencer la société Dassault Systèmes n’est pas remis en cause.

Néanmoins, le Tribunal voit « des agissements fautifs créant une distorsion de concurrence préjudiciable à la société Dassault Systèmes » dans le fait pour la société Wanadev de reprendre les fonctionnalités et l’ergonomie du logiciel HomeByMe.

La société Wanadev a donc été condamnée sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et à cesser l’exploitation de la version initiale du logiciel Wanaplan.

Cette décision qui semble imposer aux éditeurs de logiciels d’être en mesure de démontrer l’origine de leurs choix quant aux fonctionnalités et au design de leurs logiciels, est en réalité favorable à ce corps de métier.

En effet, loin d’imposer une contrainte supplémentaire, elle se situe dans la lignée de la jurisprudence récente qui entend permettre une protection des logiciels plus accrue en sanctionnant l’inspiration fautive via l’action en concurrence déloyale.

Cette tendance est plus que bienvenue dans une matière, qui n’est que partiellement protégée par le droit d’auteur (les algorithmes et fonctionnalités du logiciel en sont exclus), et dans le cadre de laquelle les tribunaux sont particulièrement sévères quant à la caractérisation de l’originalité, en témoigne la décision rendue par la Cour d’appel de Douai le 5 avril 2018.