Estimant que la licence de logiciel libre GNU GPL v2 était un contrat, le TGI de Paris a jugé dans un arrêt du 21 juin 2019 que la violation d’obligations qui y étaient stipulées se fondait sur le terrain de l’inexécution contractuelle, à l’exclusion du fondement délictuel de contrefaçon.
La société Orange a utilisé une bibliothèque libre sous licence GNU GPL v.2 éditée par la société Entr’ouvert, dans le cadre de la réalisation du portail « Mon Service Public » permettant aux usagers d’accéder à des services administratifs en ligne.
La société Entr’ouvert a agi en contrefaçon de droit d’auteur, considérant que la société Orange n’avait pas respecté les termes de la licence applicable. A l’appui de cette demande, la société Entr’ouvert soutenait que la licence GNU GPL v2 consistait en une autorisation accordée par son auteur aux tiers et non un contrat.
De son côté, Orange soutenait que la licence GNU GPL v.2 était un contrat prenant la forme d’un contrat d’adhésion et qu’en conséquence, ce litige se situait sur le terrain de la responsabilité contractuelle.
Pour résoudre cette question, les juges de première instance ont rappelé le principe posé à l’article L122-6 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel les droits ci-dessous sont expressément réservés par la loi à l’auteur du logiciel :
- « La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur » ;
- « La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant. »
Les juges ont rappelé que ce principe connaissait certaines exceptions prévues à l’article L122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle, parmi lesquelles les cas où les actes de reproduction et de modification d’un logiciel « sont nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser ».
En outre, les juges ont rappelé les dispositions du deuxième alinéa de l’article L122-6-1 prévoyant que « les modalités particulières d’usage pour permettre l’utilisation du logiciel conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser » pouvaient être aménagées par contrat.
C’est sur cette base et partant du constat que la licence GNU GPL v2 comporte des obligations réciproques incombant à chacune des parties, que les juges ont retenu que ladite licence était bel et bien un contrat.
En effet, la société Entr’ouvert concédait à travers la licence une autorisation d’usage du logiciel par la mise à disposition de celui-ci. De son côté, la société Orange, en tant qu’utilisatrice du logiciel, se devait de respecter les modalités d’usage détaillées dans la licence. Le fait que la licence était concédée à titre gratuit et se trouvait dépourvue de toute garantie étant sans incidence sur cette qualification de la licence GNU GPL v2 de contrat.
Il résultait de l’analyse des demandes de la société Entr’ouvert, que celles-ci consistaient à obtenir la réparation d’un dommage causé par le manquement du licencié aux obligations imposées par la licence, à l’exclusion de toute violation d’une obligation extérieure au contrat de licence. En conséquence, les juges ont déclaré l’action en contrefaçon irrecevable, rappelant le principe de non-cumul des responsabilités.
Notons par ailleurs que la demande d’indemnisation de la société Entr’ouvert à hauteur de 500 000 euros sur le fondement d’un préjudice résultant d’actes de parasitisme a également été rejetée par les juges.